
Quand la géopolitique rebat les cartes du maritime
Les droits de douane imposés par les États-Unis et les tensions géopolitiques transforment profondément le commerce maritime international. Explications de Pierre Cariou, Professeur d’économie maritime à KEDGE Business School.
Quel est l’impact des droits de douane américains sur les flux maritimes internationaux ?
« Bien que Donald Trump ait clairement annoncé ses intentions protectionnistes, l’ampleur des mesures qu’il souhaitait mettre en place a surpris beaucoup d’experts. Les mesures tarifaires, en particulier les droits de douane, auraient eu pour effet de ramener les coûts de transport à des niveaux comparables à ceux de 1910 !
On a d’abord observé une véritable panique chez les industriels, entraînant des importations massives avant l’entrée en vigueur annoncée de ces droits, ce qui a provoqué une forte congestion des ports américains et chinois. Cette vague d’importations a été suivie d’une chute brutale, lorsque l’application effective des mesures a été repoussée à plusieurs reprises. »
Comment les entreprises ont-elles réagi face à ces nouvelles contraintes ?
« Elles ont rapidement diversifié leurs sources d’approvisionnement, ce qui a généré une stratégie nommée “Chine +1”. Elle vise à réduire leur dépendance à la Chine en multipliant les points de sourcing dans d’autres pays, comme l’Inde, le Vietnam ou le Cambodge. La pandémie de COVID-19 avait déjà accéléré le passage du modèle “just in time” au “just in case”, notamment pour anticiper et mieux gérer les perturbations des chaînes d’approvisionnement. »
Comment l’Europe s’adapte-t-elle à ces bouleversements mondiaux ?
« Elle continue d’importer massivement depuis la Chine, mais face aux incertitudes géopolitiques croissantes, elle accélère sa régionalisation logistique. Le Maroc et la Turquie gagnent en importance stratégique, accueillant des entreprises européennes. Cette proximité géographique devient un avantage crucial face aux risques géopolitiques. »
Quel rôle les ports européens intermédiaires, comme Nantes Saint-Nazaire Port, peuvent-ils jouer ?
« Nantes Saint-Nazaire Port pourrait tirer parti de la réduction des distances logistiques en renforçant ses infrastructures de stockage et sa connectivité multimodale. Pour tirer son épingle du jeu, il pourrait se positionner sur des filières ciblées, comme l’automobile ou les énergies renouvelables, et miser sur une logique de complémentarité avec les grands hubs européens, un foncier disponible pour créer des stocks de proximité plutôt que sur un basculement massif. »
Note : Depuis la publication de cette interview, un accord transatlantique a été conclu fin juillet 2025. Les tarifs américains sur les importations européennes s’établissent désormais à 15 %, avec des engagements de l’Union Européenne sur des achats d’énergie et des investissements aux États Unis.
Lisez l'intégralité de cette interview dans le numéro 112 de West Link